Que disent les nouvelles règles concernant les ‘troubles du voisinage anormal’ ?

15 août 2023
Solange Tastenoye

Les nuisances de voisinage sont malheureusement inévitables dans notre société. Partout, en ville comme à la campagne, on y est confronté. Depuis l’entrée en vigueur de notre nouveau Code civil, ces nouveautés ont fait déjà l’objet de beaucoup de discussions. Mais une nouveauté importante est aussi que des mesures peuvent être prises avant qu’il y […]

Les nuisances de voisinage sont malheureusement inévitables dans notre société. Partout, en ville comme à la campagne, on y est confronté. Depuis l’entrée en vigueur de notre nouveau Code civil, ces nouveautés ont fait déjà l’objet de beaucoup de discussions. Mais une nouveauté importante est aussi que des mesures peuvent être prises avant qu’il y ai des nuisances graves. Qu’est-ce que cela implique ?

Faire usage de votre propriété !

L’ancien article 544 de notre Code civil se lisait ainsi : ‘La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.’

Sur base de cet article, la jurisprudence belge estime que les voisins peuvent subir un dommage du fait de l’exercice de ce droit de propriété, même si aucune faute n’a été commise. Cette responsabilité objective et sans faute, donne lieu à ce que l’on appelle la ‘doctrine de l’équilibre’.

La ‘doctrine de l’équilibre’

Cette ‘doctrine de l’équilibre’ signifie que les voisins doivent pouvoir jouir de leur propriété de manière similaire et, à cette fin, ne peuvent pas s’imposer mutuellement des charges excessives. Si cela est le cas, l’‘équilibre’ entre les propriétés voisines est rompu. Cet équilibre devra alors être rétabli et ramené aux ‘charges normales’ qui peuvent peser sur le voisinage. Le juge peut alors, par exemple, imposer une indemnité pour compenser cette charge excessive, ou prendre en compte la localisation de la nuisance.

Par exemple : si des nuisances dues aux odeurs surviennent dans une zone agricole, le juge ne sera pas aussi strict que si les nuisances surviennent dans des zones résidentielles. Il est supposé que la zone agricole est ouverte pour l’exercice d’activités telles que l’agriculture et donc aussi pour l’élevage d’animaux.

Que disent les nouvelles règles ?

Le nouvel article 3.101 de notre nouveau Code Civil stipule que : ‘ Les propriétaires voisins ont chacun droit à l’usage et à la jouissance de leur bien immeuble. Dans l’exercice de l’usage et de la jouissance, chacun d’eux respecte l’équilibre établi en ne causant pas à son voisin un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage et qui lui est imputable.
Pour apprécier le caractère excessif du trouble, il est tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce ; tels le moment, la fréquence et l’intensité du trouble, la préoccupation ou la destination publique du bien immeuble d’où le trouble causé provient.

Ce dernier point montre désormais clairement que le législateur a effectivement intégré dans la loi les arguments de la jurisprudence (par exemple : la localisation de la parcelle, la première occupation, etc). Ce n’était pas le cas dans l’ancien article 544 du Code Civil. Un autre point de différence est que l’on ne peut plus disposer de son bien ‘de la manière la plus absolue’ comme c’était le cas dans l’ancien article 544 du Code civil !

Que se passe-t-il si l’on ne respecte pas ces règles ?

Celui qui rompt l’équilibre précité est tenu de le rétablir. Le juge ordonne celles des mesures suivantes qui sont adéquates pour rétablir l’équilibre:

1° une indemnité pécuniaire pour compenser le trouble excessif;

2° une indemnité pour les coûts liés aux mesures compensatoires prises quant à l’immeuble troublé pour ramener le trouble à un niveau normal;

3° pour autant que cela ne crée pas un nouveau déséquilibre et que l’usage et la jouissance normaux de l’immeuble ne soient pas ainsi exclus, l’interdiction du trouble rompant l’équilibre ou des mesures, concernant l’immeuble causant le trouble, pour ramener le trouble à un niveau normal.

Ce sont donc certains critères que la loi impose désormais pour déterminer quand on passe de la nuisance normale à la nuisance anormale !

Attention !

Par exemple : un agriculteur qui obtient les autorisations nécessaires à l’exploitation de son entreprise agricole doit également respecter cet équilibre. S’il perturbe cet équilibre, il peut être condamné à une compensation !