En visite chez le semencier Jorion à Hacquegnies

23 mars 2022
Christophe Daemen
Christophe Daemen en Maxime Colinet

Cette fois, nous n’avons pas rendu visite à un agriculteur ‘classique’, mais nous nous sommes rendus auprès de la société semencière Jorion-Philip-Seeds, qui, en plus des activités semencières proprement dites, gère également une exploitation de grandes cultures à Frasnes-lez-Anvaing. Cette activité leur permet, d’une part, de mettre en place et de surveiller plus facilement leurs […]

Cette fois, nous n’avons pas rendu visite à un agriculteur ‘classique’, mais nous nous sommes rendus auprès de la société semencière Jorion-Philip-Seeds, qui, en plus des activités semencières proprement dites, gère également une exploitation de grandes cultures à Frasnes-lez-Anvaing. Cette activité leur permet, d’une part, de mettre en place et de surveiller plus facilement leurs champs d’essai, mais d’autre part aussi de maîtriser les tenants et aboutissants de la pratique afin que les semences commercialisées correspondent le mieux possible aux besoins de l’agriculteur belge. Nous nous sommes entretenus avec Jean-Philippe Jorion, l’actuel directeur général, et Maxime Colinet, le crop manager de l’entreprise.

L’histoire de l’entreprise familiale Jorion commence en 1902 dans le centre de Frasnes, lorsque Valère Jorion se lance dans les semences potagères. Après la Seconde Guerre mondiale, le grand- père de Jean-Philippe a développé le secteur des grandes cultures et, à partir de 1957, des recherches sur la sélection de semences pour les cultures agricoles conventionnelles ont également débuté. Au cours des dernières années, l’entreprise a connu une croissance significative. Une nouvelle usine a été construite entre 2005 et 2007, suivie de l’acquisition de Philip-Seeds en 2013. Depuis 2016, de nouveaux bâtiments ont été ajoutés presque chaque année, en partie pour fournir suffisamment d’espace de stockage, principalement pour les céréales et les semences de graminées, mais également pour les sécher et les trier. Aujourd’hui, l’entreprise distribue une large gamme de semences pour céréales. En outre, la société est active dans la commercialisation de mélanges de semences de graminées et de semences de maïs provenant de programmes de partenaires étrangers. D’autre part, la gamme d’engrais verts connaît une croissance spectaculaire, non seulement en raison de la réglementation plus stricte concernant les couvertures de sol, mais également dans un but agronomique incontestable. Cette offre est complétée par la distribution de semences de colza et de betterave fourragère, de mélanges de fleurs,…

Depuis 2013, la société distribue de la génétique étrangère sur le marché belge et par ailleurs, Jorion-Philip-Seeds, aussi appelée JPS, conclut également des contrats de multiplication avec des agriculteurs. Cela concerne environ 1.300 ha par an pour les céréales et plus de 1.000 ha pour les semences de graminées. En tant qu’entreprise belge, environ 90% du chiffre d’affaires est réalisé en Belgique. Au début des années 2000, les semences de céréales représentaient environ 80% du chiffre d’affaires, mais entretemps, les semences de graminées ont connu une réelle croissance et l’offre a été complétée par les semences de maïs mais aussi par les mélanges de graminées pour les gazons, par exemple.

L’histoire de l’exploitation agricole en elle-même commence en 1989 avec l’acquisition de la Ferme de Liessart, ce qui va permettre à la société de réaliser des tests en interne, mais aussi de suivre plus facilement les parcelles d’essai. Auparavant, des parcelles étaient régulièrement louées pour ces champs d’essai, avec l’inconvénient que les parcelles n’étaient pas toujours homogènes, ce qui pouvait parfois conduire à des résultats surprenants et/ou non-relevants. En 2007, une deuxième exploitation, la Ferme de Pétrieux, a également été reprise juste en face de la ferme existante. Aujourd’hui, les céréales, les pommes de terre, le lin, les betteraves et les semences de graminées pour la multiplication sont cultivés sur une centaine d’hectares. La gestion quotidienne est confiée à Maxime Colinet, le crop manager, qui travaille en étroite collaboration avec Jean-Philippe Jorion et toute l’équipe Jorion-Philip-Seeds.

Une approche spécifique

Comme Maxime le souligne, il est responsable, entre autres, du suivi quotidien des cultures pendant la saison de croissance. Il poursuit : ‘Notre exploitation est spécifique car nous semons beaucoup de variétés différentes et les surveillons aussi bien que possible pendant la saison. Sur une parcelle de 1 ha, par exemple, nous semons différentes variétés. En outre, nous essayons d’effectuer les différents traitements phytos et applications d’engrais de manière homogène afin d’obtenir une bonne image générale des résultats obtenus en fin de saison. Pour donner une idée, environ 1.200 lignées (objets) sont implantées chaque année pour le froment, ainsi qu’environ 300 lignées pour l’escourgeon et environ 900 parcelles d’essais pour le maïs. Les tests portent principalement sur la résistance aux maladies, la résistance à la verse, la résistance au froid et à la sécheresse,… la sélection coûte cher mais c’est le prix à payer pour pouvoir présenter à nos clients la génétique la mieux adaptée à leurs besoins: rendement, qualité et résistances aux maladies.’

Investissements en matériels et travaux d’entreprise

A l’heure actuelle, de nombreux travaux sur les terres sont effectués en main propre. Maxime : ‘Cela nous permet d’intervenir quand nous le voulons. C’est particulièrement important pour les traitements phytos, par exemple. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous avons lourdement investi ces dernières années dans un parc de machines bien équipé et d’une capacité suffisante. En plus de notre tracteur Valtra, par exemple, nous avons un nouveau combiné de semis Kubota qui nous donne vraiment satisfaction. Notre dernier investissement est un pulvérisateur Horsch traîné. Celui-ci sera utilisé à partir du printemps. C’est un investissement substantiel, mais de cette façon, nous pourrons travailler encore plus efficacement, afin de pouvoir mettre encore mieux nos parcelles d’essai en valeur. Une autre machine qui reste vraiment importante pour nous est le cultivateur. Comme la rotation sur l’exploitation compte logiquement beaucoup de céréales, il est particulièrement important de gérer de près les repousses après la récolte. Habituellement, nous déchaumons 2 à 3 fois après la moisson, de sorte que toutes les graines germent parfaitement et que nous n’ayons pas de soucis dans la culture suivante. A cet égard, une bonne organisation du travail est bien sûr indispensable. D’autre part, nous comptons toujours sur des entrepreneurs pour les activités de récolte. Notre exploitation est trop petite pour pouvoir amortir elle-même une moissonneuse-batteuse, et le battage des différentes variétés nécessite également beaucoup d’attention car la moissonneuse-batteuse est soufflée jusque dans les moindres recoins entre deux variétés. Si les conditions météorologiques sont moins favorables lors du battage, il n’est pas toujours facile de trouver un entrepreneur prêt à perdre un temps précieux entre deux parcelles distinctes. Par contre, pour les essais, nous essayons d’être le plus possible indépendant mais nous faisons régulièrement appel à des sous-traitants en cas de besoin.’

La génétique va encore gagner en importance à l’avenir

Lorsque l’on demande à Jean-Philippe et Maxime comment ils voient l’avenir, ils estiment que leur exploitation devient un maillon de plus en plus important au sein du groupe. Jean Philippe poursuit : ‘En ce qui concerne l’avenir, on note beaucoup d’inconnues. Les produits phytosanitaires sont actuellement perçus par les agriculteurs comme une aide et non comme une obligation. A la base, de plus en plus d’entre eux, même en culture conventionnelle, raisonnent au départ par un choix variétal approprié. Cela signifie que le secteur de la sélection semencière devra faire face à d’énormes défis afin d’apporter une réponse appropriée avec des variétés adaptées aux nouvelles conditions pédoclimatiques. En outre, et afin de nous adapter au marché croissant du bio, nous présentons des variétés adaptées et parfois spécialement ajoutées à notre gamme pour cette filière. Dans ce contexte, notre exploitation nous permettra de réagir rapidement et de relever ces nouveaux défis. A l’avenir, les sélectionneurs devront également miser davantage sur la sélection et la distribution plus poussées de protéagineux afin de pouvoir apporter une autonomie de protéines végétales régionale. La génétique a déjà accompli beaucoup de choses dans ce domaine et j’ai pleinement confiance en cela.’